Poésies, poèmes et musiques de Chris Christifer
Poèmes et musiques

La baguette d'Hermès et le bâton d'Asclépios

7 septembre 2007 - Chris CHRISTIFER

Notes sur mon poème Au temps des deux serpents.

La baguette d'Hermès (Mercure pour les romains) n'est pas le bâton d'Asclépios (Esculape) :

Baguette d'Hermès (deux serpents)

Baguette d'Hermès (Mercure)

bâton d'Esculape (un serpent)

bâton d'Asclepios (Esculape)

Le Caducée reprend ces deux symboles qui sont utilisés, notamment, par les professions médicales et paramédicales.

En France, c'est le bâton d'Asclépios qui est utilisé par les médecins et les pharmaciens :

Caducée de médecin

Médecins : le bâton est surmonté d'un miroir pour symboliser la prudence.

Caducée de pharmacien

Pharmaciens : Le bâton est surmonté par la coupe d'Hygie, dans lequel le serpent crache son venin (pour indiquer la préparation des remèdes).
 
Hygie est la déesse de la santé, fille d'Asclépios.

Mais certaines professions médicales utilisent encore la baguette d'Hermès :

Caducée de kinésithérapeute

Baguette d'Hermès (deux serpents)

La baguette d'Hermès et l'ADN

La baguette d'Hermès n'est pas sans ressembler à la double hélice de l'ADN, avec l'enroulement des deux serpents entrelacés.

Baguette d'Hermès (deux serpents)

Baguette d'Hermès (Mercure)

Représentation de la structure ADN (DNA)

Structure de l'ADN (DNA)

Toute vie sur notre planète repose sur cette chaine d'ADN (acide désoxyribonucléique). Si certains de nos praticiens préfèrent la baguette d'Hermès au bâton d'Asclépios, c'est peut-être à cause de cette ressemblance avec la double hélice de l'ADN, qui symbolise la vie.

La baguette d'Hermès et l'Alchimie

La baguette d'Hermès est également liée à l'alchimie (appelé aussi art d'Hermès), comme on le voit ci-dessous :

Baguette d'Hermès (deux serpents)

Baguette d'Hermès (Mercure)

Illustration alchimique de la Pierre Philosophale, où le Sel Philosophique réunit le Mercure Philosophique au Soufre Philosophique

Illustration alchimique ancienne
montrant l'identité avec la baguette d'Hermès.

Chacun des serpents représente le mercure philosophique et le soufre philosophique, réunis au moyen du sel philosophique (la baguette). Il s'agit des clés permettant d'obtenir la médecine universelle, sensée pouvoir guérir toute maladie humaine, y compris la vieillesse (d'où, peut-être, une autre légende qui est celle de la fontaine de Jouvence).

Le mercure et le soufre dont il est question n'ont aucun rapport avec leurs équivalents du tableau périodique des éléments.

Par conséquent, le caducée à deux serpents possède une dimension symbolique d'une portée très lourde en termes de conséquences.

Statuette d'Hermès

Statuette représentant Hermès avec sa baguette à deux serpents.

Le bâton d'Asclépios et les serpents

En revanche, tel n'est pas le cas du bâton d'Asclépios, qui ne possède qu'un seul serpent. Dans le mythe, « Asclépios vit un serpent qui se dirigeait vers lui, il lui tendit un bâton. L'animal s'y enroula. Asclépios frappa le sol et l'assomma. Un second serpent apparut, tenant dans sa gueule une herbe avec laquelle il rappela le premier à la vie. »

C'est ainsi qu'il eût, selon la légende, la révélation du pouvoir des plantes médicinales. Le serpent représente alors la connaissance de la guérison par les plantes (et par extension, de l'allopathie et de l'homéopathie).

Statue d'Asclépios (Esculape)

Statue d'Esculape, avec son bâton à un seul serpent bien visible.

 

Le bâton d'Asclépios et la Bible

Voici une représentation moyenâgeuse du paradis, où l'on voit Adam et Eve. Un serpent est enroulé autour de l'arbre, exactement dans le style du bâton d'Asclépios.

Représentation du Paradis avec Adam, Eve, l'arbre et le serpent

Souvenons-nous qu'il y avait deux arbres majeurs au paradis :
« Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d'arbre séduisant à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gen, I, 2, 9).

Parmi les interprétations qui en découlent, on pourrait avancer que le bâton d'Asclépios est rattaché symboliquement au premier arbre :
« Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement » (Gen, I, 2, 17).

Cette phrase de la Bible nous parle de mort, et indirectement de maladie car celle-ci peut conduire à la mort. Le bâton d'Asclépios, avec son serpent unique, est lié à ce premier arbre, en s'opposant à une partie de ses effets néfastes par le moyen du traitement des maladies.

Dans cette interprétation, le bâton d'Hermès, doté de deux serpents, serait alors relatif au second arbre, celui de vie dont Adam et Eve ne pouvaient pas goûter les fruits :
« Il (Yahvé Dieu) bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie » (Gen, I, 3, 24).

Les Chérubins par Raphaël

Les Chérubins vus par Raphaël.

"Chérubins" vient de "Keroubim" (Les Semblables à des Enfants).

Ce n'est pas seulement un signe d'innocence, c'est aussi l'avertissement indiquant que l'on peut, malgré soi, devenir le jouet des forces de la nature.

Par exemple, l'arche d'alliance était ornée de deux chérubins. Ceux qui l'approchèrent pour présenter un feu irrégulier furent dévorés par les flammes (Lévitique, II, 10, 1-3).

L'éclair fulgurant de l'Otz Chiim (arbre de vie) de la Kabbale

éclair fulgurant de l'arbre de vie (Otz Chiim) de la Kabbale

Une question de responsabilité

Si jamais alchimiste est parvenu au terme du Grand-Oeuvre, craindrait-il la colère de Yahvé Dieu parce qu'il aurait goûté, symboliquement parlant, aux fruits du second arbre, celui de vie ?

J'imagine que cette question aurait pu être posée au 14e siècle par un certain Nicolas Flamel, écrivain public à Paris et alchimiste connu, étant donné sa foi sincère en Dieu. La question est intéressante parce qu'elle n'est pas uniquement de nature théosophique.

Bien que les textes bibliques donnent lieu à de multiples interprétations, je pense que, finalement, la seule véritable sanction à laquelle Yahvé Dieu oblige l'homme, c'est d'assumer les conséquences de ses choix, et la totalité de ce qui en découle.

Ce sentiment trouve une résonance dans le passage suivant, tiré de la Bible de Jérusalem (édition 1961, Editions du Cerf, Imprimatur Parisiis, die 29 octobris 1955, M.Potevin Vic. Gen) :
« Puis Yahvé Dieu dit : Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal ! Qu'il n'étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et ne vive pour toujours ! » (Gen, I, 3, 22).

La crainte et la prudence sont donc justifiés, mais la grâce existe dans les commandements que Yahvé donne à Moïse dans le décalogue :
« Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras, car moi, Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, mais qui fais grâce à des milliers, pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements » (Exode, III, I, 20, 1-6).

Nous savons déjà que que nos « enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants », subiront, comme nous, la pollution de notre planète, dont nos sociétés sont directement responsables. Les fruits de certains arbres peuvent donc s'avérer plus lourds à digérer que d'autres.

Nous devons également noter que le mont Sinaï n'a plus été baigné de fumées et de feu, comme dans la théophanie (Ex, I, 19, 18), depuis quelques millénaires. Yahvé Dieu a t-il jugé préférable de s'éloigner de la folie des hommes ? Malgré ceux qui l'aiment ?

 

Pourquoi ai-je écrit le poème Au temps des deux serpents

Retirer un des deux serpents de la baguette d'Hermès nous ramène au bâton d'Asclépios, et cette soustraction revient à diminuer, au sens purement symbolique, ce que l'on espère obtenir en termes de guérison.

Or, aucun progrès n'aurait jamais existé dans notre humanité, si l'espoir n'avait pas existé, y compris devant l'impossible - ou ce qui était considéré comme tel par ignorance.

La portée symbolique n'est donc plus la même. Selon que l'on choisit le bâton d'Asclépios ou celui d'Hermès, c'est indiquer les limites des espoirs que l'on a, qu'ils soient ou non fondés.

Auparavant, c'était le caducée d'Hermès que l'on employait le plus souvent. Depuis que l'usage de celui d'Asclépios s'est généralisé, le moins que l'on puisse dire est que cela ne nous a pas porté chance, car des pathologies nouvelles sont apparues.

Mais s'agit-il vraiment d'une coïncidence, car toute perte d'espoir n'est-elle pas, finalement, une insulte faite aux patients qui tiennent à la vie ?

Voilà ce que je voulais exprimer avec le poème Au temps des deux serpents...

Chris Christifer

Hermès pour les grecs, Mercure pour les romains

Hermès pour les grecs, Mercure pour les romains...

 

Quelques liens pour plus d'informations :
Wikipédia : le caducée
Wikipédia : Hermès
Wikipédia : Asclépios
Sigillographie occidentale, comparaison Jiagu wén